Par le Philosophe

 

 

Ami lecteur,

 

Avant que nous fassions connaissance dans les prochains jours, accepte donc cette invitation que je te fais parvenir.

Cette invitation, qui contient le déroulé plus détaillé des discussions auxquelles je te convie et que j’ai grand hâte de mener avec toi, pour être tout à fait honnête avec toi … J’ai hésité à te l’envoyer. Non pas en tant que geste, bien sûr, mais du fait de ce qu’elle dévoile.

Pour la seule, simple et bonne raison suivante, évidemment : car le voyage compte tout autant que le point d’arrivée et que je suis, pour ma part et en tant que voyageur, de nature bien trop aventurière pour souhaiter que les choses me soient dévoilées à l’avance. Les mystères de la quête et de tout ce qui nous attend se doivent d’être préservés afin que les effets de surprise, de découverte, et voire même peut-être, qui sait, d’enchantement, puissent se produire.

Ainsi, et cela est tout à fait sérieux : si tu es comme moi de nature aventurière, je t’invite dès à présent à mettre fin à la lecture de cette invitation – qui s’autodétruira d’elle-même dans les prochains instants.

 

 

Si la curiosité te mène à la lire malgré tout, je t’inviterais à, par la suite, l’oublier. À  glisser ces quelques lignes dans un coin de ton subconscient.

C’est que, j’en ai bien conscience, il est certains profils de lecteurs qui tirent un plus grand confort de connaître à l’avance les étapes de tout voyage de pensée qui leur est proposé, avant de potentiellement l’accepter. Je respecte évidemment cette disposition-là de l’esprit.

Nous allons de plus tenir nos premières discussions en des temps contemporains de pensée morcelée, de plus grande méfiance vis-à-vis de toute pensée nouvelle qui s’exprime librement, en des temps saturés et rapides et, comme conséquence de cela, en des temps qui, hélas et inévitablement, sont porteurs d’un certain recul de la pensée philosophique. Autant dire que, s’agissant de notre phase initiale, ces facteurs ambiants peuvent être de nature à faire passer tout souci de préservation du mystère du déroulé d’une pensée au second rang. Pragmatisme oblige.

Allons-y donc, très sommairement. Tu l’as vu donc, affichée à l’entrée de notre bâtisse, la programmation des 32 discussions que je te propose de mener et qui seront toutes restituées sous la forme d’articles. Mettons donc quelques filaments de chair sur les os. Filaments qui devront donc aussitôt s’évanouir dans les profondeurs de l’esprit gourmand.

Nos huit premières discussions seront consacrées à poser le cadre initial théorique de l’entrepreneur ainsi qu’à poser le cadre initial historique de l’homme : ce seront donc des discussions à focale large. L’économiste est le théoricien attitré de l’entrepreneur et, progresser dans la compréhension de ce dernier et créer un élargissement de notre matière théorique passera par la libération de l’entrepreneur, que nous allons mener, de la tutelle de l’économiste. Nos discussions 6, 7 et 8, programmées avec notre chairwoman Hannah Arendt, nous offriront une lecture historique ontologique de l’homme. Nous chercherons en effet, à quelque endroit, à rapprocher l’homme de l’entrepreneur. Alors… Il nous faudra bien le connaître. Connaître toutes les aptitudes véritables et fondamentales de l’homme.

Nos discussions 10 à 16 seront consacrées à l’étude théorique plus granulaire de l’entrepreneur autour de conversations que nous mènerons avec les trois grands économistes de l’entrepreneur, tous hétérodoxes. Une fois rompu le cordon ombilical qui relie l’entrepreneur à l’économiste et une fois notre cadre de pensée posé sur ses premières fondations, nous verrons alors que certains éléments développés par ces trois mêmes économistes devront malgré tout retenir notre attention. Nous pourrons ainsi les ajouter à notre boîte à outils.

Nos discussions 18 à 21 seront consacrées à forger nos propres termes : à créer une définition de l’entrepreneur à partir du cadre conceptuel de la philosophie pour tâcher de mieux en dire la vérité. Cette définition, notre pierre philosophale, nous en ferons un instrument actif.

Au cours des discussions 22 à 25, nous ferons deux choses : livrer les deux premiers ornements de notre esquisse de morale de l’entrepreneur et établir le rapprochement évident qu’il convient d’opérer entre l’entrepreneur et l’artiste.

Au cours des discussions 26 à 28, nous établirons et nous nous intéresserons au rôle politique de l’entrepreneur : sujet absolument passionnant.

Au cours de nos dernières discussions, nous livrerons le troisième ornement de notre esquisse de morale de l’entrepreneur et nous dirons le rôle philosophique de ce dernier.

 

Voici, ami lecteur. Voici pour ces quelques filaments de chair que je t’invite dès à présent à oublier, à passer dans ton subconscient. Et voici pour cette invitation du cœur que je t’envoie.

Invitation qui n’a jamais été. Nous sommes bien trop aventuriers comme voyageurs de la pensée pour cela.

Qui n’a jamais été autrement que comme une réponse à… Un lointain appel.

 

Ma réponse, précisément, à toute méfiance qui peut entourer l’émergence d’une pensée nouvelle laquelle, par définition et par nature, nécessite de lentement infuser ? Ma réponse, donc, elle est double.

Tout d’abord, si tu me fais cet honneur, s’agissant de ce voyage que je te propose, de placer ta confiance en moi, alors je saurais la préserver comme le plus précieux des trésors.

Et ma seconde réponse, c’est la suivante. Il s’agit d’une citation de notre chairman, Friedrich Nietzsche, le chairman de notre entreprise de pensée :

« Osez donc goûter à mon plat, mangeurs ! Demain, vous le trouverez déjà meilleur et dès après demain, il vous paraitra bon ! Si vous en redemandez, alors mes sept vieilles recettes me donneront le courage d’en faire sept nouvelles. »

 

À demain donc, ami lecteur. À demain pour notre rencontre et pour notre première discussion dont la perspective me réjouit à l’avance. Et, d’ici là, que les plus hautes pensées t’accompagnent.

 

Bien à toi,

 

Le Philosophe